Aline et Valcour : lire Sade à travers le masque

Sade est surtout connu pour ses œuvres romanesques qui multiplient les scènes pornographiques, outrancières et sadiques, ce qui lui donne la réputation d’un perturbateur plus que d’un écrivain. Pourtant, l’œuvre de Sade est vaste, et ses ouvrages les plus sales dialoguent toujours avec un discours philosophique. Aline et Valcour est un de ces romans sadiens où la fiction sert sa philosophie.

Publié du vivant du marquis, en 1793, Aline et Valcour est un roman bien moins sulfureux que ne peuvent l’être L’Histoire de Justine ou de Juliette ; il s’agit pourtant d’une situation tout à fait propre au sadisme : deux nobles s’échangent leurs filles comme épouses, et tout l’enjeu du roman va être de protéger les-dites filles des manigances de leurs odieux paternels.

Le roman adopte une forme épistolaire, et on sent que Les Liaisons Dangereuses de Laclos ne sont pas loin ; cependant, Sade n’égale en aucun cas la maîtrise de son prédécesseur en ce qui concerne cette forme, et il est assez regrettable de voir que l’écrivain ne se sert de la forme épistolaire que pour changer de narrateur lorsque cela l’arrange ; on pense notamment aux récits de Sainville et de Léonore qui constituent chacun une unique lettre de deux cents pages !

Ne nous mentons pas, Aline et Valcour est long, et c’est loin d’être un chef-d’œuvre ; pourtant, il permet un regard inhabituel de l’œuvre de Sade, puisque la philosophie qu’il développera plus tard dans ses œuvres condamnées est ici placée dans la bouche des antagonistes, tandis qu’il feint de défendre, à travers ses héros, la morale de l’église et de la noblesse.

Dans Aline et Valcour, c’est un Sade masqué qu’on lit, et qui se joue de son lecteur contemporain. À nous, lecteurs du XXIème siècle, plus lucides, de nous en amuser.

Texte et illustrations : Charlie PLES.

Autres chroniques livresques ici.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *