Agata Wieczorek : « Court Métrange est une grande famille »

Agata Wieczorek est une photographe et plasticienne polonaise, diplômée de l’école de cinéma de Lodz. Son premier court métrage Growing, abordant la question de l’avortement avec maîtrise et sensibilité, a remporté le Grand Prix du festival rennais « Court Métrange ». Avant la remise des prix, le 1er octobre 2022, la jeune cinéaste a échangé avec Vitav.

« Le cinéma a le pouvoir de traduire une expérience intime »

Growing est votre premier court métrage. Comment vous êtes-vous tournée vers le cinéma, et quel a été le chemin pour le réaliser ?

Le cinéma a été un choix naturel car c’est un support qui a le pouvoir de traduire une expérience intime – ici, l’avortement et son interdiction dans certains pays du monde – en une expérience globale. Avant Growing, j’ai étudié les centres de simulation médicaux, reliés aux écoles de santé. Il s’agit de « faux hôpitaux » où les étudiants s’entraînent sur des robots humanoïdes. Le mannequin obstétrique, qui donnait une naissance après l’autre, m’a rappelé la réduction actuelle des corps des femmes à des incubateurs, une image dénoncée en Pologne. J’ai construit l’histoire autour de cette comparaison.

En tant qu’artiste visuelle, quelle est l’importance de l’image dans votre travail ?

L’intrigue s’est développée autour du story-board : à partir des photos et illustrations du centre, j’ai imaginé comment ma protagoniste pourrait interagir avec les humanoïdes, quelles réactions cela pourrait provoquer en elle, et comment je pouvais en tirer une signification.

« La fin devait être assez choquante pour montrer au public comment un avortement se passe sans aide »

Le message de votre court métrage est très fort, et la fin a provoqué de vives réactions dans le public. Comment l’avez vous abordée ? Quelles étaient vos intentions ?

La fin du court métrage était la seule manière, pour moi, de le conclure. Elle devait être assez choquante pour montrer au public comment un avortement se passe sans aide. C’est un dernier recours quand on ne veut pas, qu’on ne peut pas être une mère. L’administration polonaise décrit l’avortement comme un contraceptif ou une méthode de confort – ce n’est pas le cas. C’est une urgence et cela devrait être accessible. En France, l’aide est normale, gratuite et sécurisée. En Pologne, non.

Comment voyez-vous la place de Growing au sein du festival « Court Métrange » ?

Court Métrange a aligné Growing avec le sujet du corps – ce qui est vrai – même si je préfère sa dimension plus politique. Mon film a été projeté dans plusieurs festivals européens, mais « Court Métrange » est assez unique. On s’y sent comme dans une grande famille, ce qui est encourageant pour des réalisateurices débutant.es.

Propos recueillis, traduits et photo de couverture: Lilou RICHARD.

Photos : Growing (2021).

Le site d’Agata Wieczorek : https://agatawieczorek.com/ 

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