Aftersun : à la recherche du père perdu

Après des récompenses dans plusieurs festivals (Cannes, Deauville, Montréal) et un succès critique unanime, le premier long-métrage de Charlotte Wells sort enfin dans les salles françaises. Retour sur ce numéro d’équilibriste réussi, oscillant entre tendresse et mélancolie. 

Le jour de ses 31 ans, Sophie est loin de toute festivité. Seule face à l’écran, elle repasse les vidéos prises lors d’un voyage avec son père Calum, vingt ans plus tôt. Quand elle se revoit lui demander « Quand tu avais 11 ans, comment tu voyais-tu à 31 ans? », nous n’obtenons pour seule réponse que l’effritement de la pellicule. La scène suivante montre Calum dans un club, haché par les stroboscopes, silhouette que Sophie tente de saisir sans tout à fait y parvenir. Ces deux images, dès les premières minutes, nous donnent le ton de l’intrigue : celle d’une recherche des pièces manquantes, une relecture du père qu’il a été.

Outre de brefs flashforwards, l’essentiel du film rembobine leur séjour sur la côte turque, tout en couleurs et lumières vives. Le duo père-fille, porté par Frankie Corio et Paul Mescal (Normal People), navigue entre les escapades, les baignades et les jeux arrosés de cocktails fruités. Armée de son caméscope, Sophie trace une esquisse de Calum, si proche d’elle et pourtant inaccessible.

Au fil du séjour, une tension inexplicable s’installe. La crainte que « quelque chose arrive » obscurcit les vacances ensoleillées comme un voile brumeux. Le jeune père dérive de leur complicité habituelle, se montre distant, irrationnel ou irritable, avant de revenir à sa volonté de passer de bons moments. Sophie tente parfois de briser les barrières, par sa curiosité brutalement innocente, sans grand succès.

Là réside le génie de la narration. Tout repose sur ce doute, cette appréhension qu’un événement dramatique va nous écraser comme une vague. Embarqué.es avec Sophie dans sa quête de réponses, il nous reste un arrière-goût de regret, l’impression que quelque chose, nous aussi, nous échappe.

Lilou RICHARD.

Aftersun, en salles depuis le 1er février 2023. Durée: 1h42. Au Mans, le film est projeté au cinéma Les Cinéastes.

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