« Afghanistan : voyage en pays taliban » : saisissant et utile

Nommées pour le Prix Bayeux 2021 des correspondants de guerre, Margaux Benn et Solène Chalvon Fioriti se sont rendues à Omarkheil, village d’Afghanistan géré par les Talibans depuis plus de douze ans, avant la chute de Kaboul. Diffusé en juin 2021, leur documentaire permet de mieux comprendre la situation de ce pays meurtri et le danger que représentent les talibans malgré leurs discours pseudo rassurants. 

A deux heures de route de Kaboul, le village d’Omarkheil illustre l’autre facette de l’Afghanistan qui n’a pas bénéficié des investissements de la communauté internationale et qui ne profite pas de la libéralisation culturelle de la capitale. Depuis une dizaine d’années, le village est contrôlé par les Talibans. Pour beaucoup d’habitants, leur présence permet une certaine stabilité. Le mouvement islamiste armé récolte l’impôt, met en place un système judiciaire parallèle jugé plus efficace et moins corrompu que celui du gouvernement officiel. En jouant habilement sur les failles des institutions étatiques et de l’aide internationale, les talibans réussissent à obtenir l’assentiment des populations religieuses des campagnes.

Les Islamistes ont accepté la présence de deux journalistes occidentales pour filmer le quotidien de ce village. Les reportrices ne sont pas dupes du fait qu’il s’agit surtout pour les talibans de recouvrir leur image d’un vernis de respectabilité. Ils sont ainsi très fiers de présenter l’école pour filles du village dans laquelle un professeur homme exerce. Si les Talibans d’il y a vingt ans n’auraient jamais autorisé une telle chose, il ne faut pas être naïf : les filles arrêtent l’école à 12 ans et, malgré un embryon d’enseignement scientifique, on se contente de leur faire apprendre par cœur le Coran. La ségrégation des sexes est toujours d’actualité.

Ce documentaire remet les pendules à l’heure

Au moment où certains font preuve d’une certaine mansuétude à l’égard de ces extrémistes religieux, en parlant de « gouvernement inclusif » ou en feignant d’ignorer leurs « intentions », ce documentaire remet les pendules à l’heure. Il ne faut pas se laisser endormir par leurs discours et leur art de la communication. La charia n’a pas changé depuis le règne taliban entre 1996 et 2001. A Hérat, une femme est fouettée en public pour avoir appelé un garçon. Mariée, elle aurait subi la lapidation. Certes, l’étau conservateur se dessert, notamment dans l’accès aux soins pour les femmes. Mais avec la loi islamique étendue à l’ensemble de l’Afghanistan, des milliers de femmes, de LGBT, de libéraux, de fonctionnaires et d’intellectuels risquent actuellement de mourir. Comme le rappelle Solène Chalvon- Fioriti, ces gens « sont sur des listes noires » et doivent être accueillis.

Ismaël EL BOU – COTTEREAU.
Photo de couverture tirée du documentaire.

« Afghanistan: voyage en pays taliban », reportage de Solène Chalvon-Fioriti et Margaux Benn pour Arte et France 24, (37 minutes, juin 2021).

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