Monica Sabolo : « L’écriture surgit comme un rêve »

De livres en livres, Monica Sabolo déploie un univers romanesque singulier et poétique. Elle se confie lors d’une rencontre à Saint-Germain-des-Près. Morceaux choisis.

« Ma construction s’est faite à travers la littérature »

Pourquoi privilégier l’écriture métaphorique, l’abondance d’images pour évoquer des sujets lourds ? Est-ce que les écritures plus frontales vous touchent ?
La métaphore est mon penchant naturel. Je suppose que cela vient d’une volonté de ne pas jeter la violence dans le visage du lecteur. C’est aussi une forme de pudeur, une voie de transformation de tout ce qui peut être sombre, douloureux et agressif en quelque chose de beau. Pour moi, ça pourrait être la définition de ce qu’est la littérature. L’écriture frontale d’Annie Ernaux, une écriture qui refuse le romanesque, me touche beaucoup. Mais quand j’essaye d’écrire d’une façon plus dénuée d’effets, j’ai la sensation que ça ne prend pas. Il est évident pour moi que l’image, la poésie, l’évocation, la sensation sont mes façons d’essayer de toucher à la vérité.

Peut-on considérer Tout cela n’a rien à voir avec moi, Crans-Montana et Summer comme une trilogie. Il y a en effet beaucoup d’échos entre ces livres (le secret de famille, la disparition). Petit à petit, vos ouvrages ont une architecture romanesque plus construite, avec une intrigue et une résolution…
À la fin de Tout cela n’a rien à voir avec moi, j’ai tout de suite su qu’il y en aurait deux autres. J’ai eu l’impression de boucler un cycle. Avec Eden, j’ai pu m’éloigner de certains thèmes, de ces milieux favorisés de la bourgeoisie suisse. Je voulais jouer avec les codes du roman américain, avec un scénario un peu plus vissé et une incarnation de mes personnages. Au début, mes personnages étaient fantomatiques, dans l’inaccomplissement d’eux-mêmes. Il y a ensuite une mise en route, quelque chose qui tend plus à être dans le réel et dans l’action.

« Mon écriture est beaucoup moins douloureuse »

Le souvenir traumatisant de l’agression sexuelle revient en boucle dans vos livres. Comment réussir à poser des mots sur l’indicible ?
Ce sont des scènes avec lesquelles je pensais en avoir fini. Mais j’ai commencé un livre qui parle des années 80 et elles sont revenues. Elles seront là d’une façon ou d’une autre dans presque tous mes récits. On en a jamais fini avec cette chose qui cloche, qui est presque le générateur de tout le reste, de cette envie, de cette nécessité d’écrire. Ce qui a changé, c’est que mon écriture est beaucoup moins douloureuse. Elle est plus proche de la joie. L’écriture surgit comme un rêve. C’est un moment de bonheur absolu.

Propos recueillis par Ismaël EL BOU – COTTEREAU.

Interview à retrouver prochainement en intégralité dans webzine « La Péniche » https://www.lapeniche.net/

Lire également : http://www.vitav.fr/monica-sabolo-nous-envoute-avec-summer/

Tout cela n’a rien à voir avec moi, Crans-Montana (Pocket), Summer (Le livre de poche), Eden (Gallimard).

Crédit photo de couverture : Francesca Mantovani.
Photo article : Ismaël El Bou – Cottereau.

Crédit : Mathieu Zazzo.

 

 

 

 

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