Se déplacer en Guyane, la grande inégalité

15h30 heure guyanaise, 16 décembre, aéroport Félix Éboué, Cayenne. Une membre du personnel d’Air Guyane entre dans la salle d’attente où, depuis une heure, les passagers des vols à destination de Maripasoula et Saül attendent. « Désolée, le vol pour Saül a été annulé en raison d’une panne moteur ». C’est à peine si les gens réagissent : ce genre de contretemps est monnaie courante en Guyane.

   

Le territoire guyanais est centralisé sur le littoral. Les communautés des Hautes-Terres, c’est-à-dire de l’intérieur de la jungle, sont coupées du réseau routier. Pour les atteindre, deux solutions : la pirogue ou l’avion. La première est longue, la seconde peu fiable. Les avions sont régulièrement défectueux, les pistes mal entretenues, et le personnel est en colère. Une grève a été organisée par les pilotes d’Air Guyane du 17 au 22 décembre 2022 pour protester contre des conditions de travail mettant en danger les passagers comme le personnel.

  • Les villes à l’intérieur de la jungle sont coupées des routes guyanaises

   

Un jeune amérindien demande à l’employée d’Air Guyane si l’avion ne va vraiment pas décoller. Le discours de son interlocutrice est bien rodé : « Écoute petit : reviens demain à sept heures, et tu verras s’il y a de la place pour toi dans l’avion ». Derrière cette réponse se cache un non-dit : les avions devant joindre le village ne sont pas partis depuis plusieurs semaines, et la grève va prolonger cette situation. Des adolescents obligés de se rendre sur le littoral pour aller en cours ne peuvent pas rentrer chez eux pour les vacances. L’arrachement à leur famille, très dur, n’en est que renforcé.

L’isolement fonctionne dans les deux sens. Sans une connexion aérienne fiable, ce sont tous les habitants de Saül qui sont précarisés. Dans l’avion prévu ce jour-là, il devait y avoir deux infirmiers transportant des fournitures médicales. Leurs collègues à Saül attendent la relève : leurs ressources s’amenuisent sans qu’ils puissent être ravitaillés. « On va juste se pointer à tous les départs d’avion pour Saül, en espérant que l’un d’entre eux finissent par nous prendre », confie l’une des deux infirmiers, visiblement affectée.

       

  • Les habitants de la jungle sont mis en danger par la précarité des transports

Se déplacer en Guyane est une réelle problématique, porteuse de forte inégalité entre les habitants de la jungle et ceux du littoral. Sans une réponse technique et administrative forte, les avions pour Saül continueront d’être annulés, et les villageois de désespérer.

Texte et photos : Mathis POUPELIN.

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