Robert M. Pirsig est un personnage étonnant, philosophe et écrivain, qui séjourna à plusieurs reprises en hôpital psychiatrique. Il a fondé une métaphysique de la « Qualité » qui vise à remplacer la traditionnelle bipartition de la réalité entre le sujet et l’objet. Son Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes en sert d’exposé, mais c’est également un roman passionnant.
Les genres s’interpénètrent dans ce singulier Traité au titre tout à fait intrigant. La fiction se mêle à l’autobiographie, le récit à la philosophie…
Un père et un fils partent en expédition à moto à travers l’Amérique, contemplant la beauté des paysages, lisant David Thoreau lignes par lignes, s’interrogeant sans cesse sur des questions comme le sens de la vie, la nature de la réalité… ou l’entretien des motocyclettes.
Mais une ombre plane sur ce road-trip idyllique : le personnage principal (le père du garçon), sent qu’il roule sur les traces d’un personnage mystérieux qu’il nomme Phèdre, et qui semble lui être lié.
Il s’avèrera rapidement que Phèdre n’est autre que son ancien lui, c’est-à-dire la personne qui habitait son corps avant qu’un trouble psychique ne l’en déloge, le conduise en hôpital psychiatrique, et qu’une nouvelle personnalité (notre héros) prenne le dessus sur lui.
On sent bien la proximité qu’entretient Pirsig avec son personnage dédoublé, et lorsque celui-ci raconte cette vie qu’il n’a pas vécue et qu’il a reconstitué par des témoignages et des bribes de mémoire, on y sent toute l’angoisse du propre passé trouble d’un auteur qui a lui-même connu ces désordres mentaux.
Au gré de ce voyage initiatique et du développement d’une philosophie basée sur une relation retrouvée avec le monde, tout l’enjeu de l’intrigue réside dans ce retour progressif de Phèdre ; à la fin, qui restera ?
Texte et illustration : Charlie PLES.
Le Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes de Robert M. Pirsig a été publié en 1974.