Publié en 1991, ce court roman Passion simple d’Annie Ernaux raconte la relation passionnelle de l’écrivaine à un riche étranger. Il ne s’agit pas ici de retracer chronologiquement cette relation passée, mais plutôt de cerner le désir à travers l’écriture.
Le roman débute sur une curieuse comparaison qui rapproche l’acte d’écriture à l’étreinte charnelle, comme occasion de « suspension du jugement moral ». Annie Ernaux mène une réflexion métalittéraire qui rapproche le désir et l’écriture, où le désir est manque, attente et exaltation qu’on ne peut retenir dans le temps. En réalité, le roman ne parle que de lui-même et se nourrit d’une réflexion sur les possibilités et les limites de l’écriture, une thèse que l’on retrouve tout au long de l’œuvre littéraire de l’écrivaine :
« Le temps de l’écriture n’a rien à voir avec celui de la passion. Pourtant quand je me suis mise à écrire, c’était pour rester dans ce temps-là, où tout allait dans le même sens, du choix d’un livre à celui d’un rouge à lèvres, vers quelqu’un. »
Le temps de la passion éprouvée se dilue au profit de l’obsession qu’elle décrit comme pathologique du point de vue de la société. L’écriture est un moyen d’inscrire cette passion, de la reconstituer sans pour autant approcher la vérité qui reste insaisissable selon l’autrice de L’événement. Elle compare sa situation à un rêve, où le fantôme d’une fille décédée montre au procureur la vérité sur sa mort, ce qui entrave la reconstitution du décès. A l’issu de cette réflexion introspective sur l’essence de sa passion et sur les possibilités de l’écriture, Annie Ernaux en tire plusieurs maximes, achevant ainsi le projet littéraire : La passion a la pouvoir de relier » davantage au monde » en dépit de l’opinion commune, et le luxe d’une vie, « c’est aussi de pouvoir vivre une passion pour un homme ou une femme ».
Texte et photo : Constance JOSSE.
Passion simple, Annie Ernaux, éditions folio (1991). 77 pages.