Never Rarely Sometimes Always : une grande œuvre féministe

Le troisième long-métrage d’Eliza Hittman suit le parcours d’Autumn (Sydney Flanigan), adolescente pennsylvanienne, dans son périple pour avorter à New York. Remarqué et auréolé aux festivals de Sundance et Berlin, ce drame urgent est à l’affiche depuis le 19 août.

Dès les premières scènes du film, le caractère ultra-réaliste de la mise en scène étonne tant il contredit les tendances actuelles du cinéma indépendant américain : le style pudique et cru de Hittman convoque autant Loach que Cassavetes pour – chose bien trop rare – offrir une peinture sociale honnête des États-unis et de leur jeunesse, rejetant en bloc l’esthétisation croissante de ces thématiques dans l’entertainment.

Cette démarche fait se prémunir le film d’un excès de pathos ou d’un didactisme militant. Au contraire, à la manière d’un Kore-eda, Hittman construit au fur et à mesure de l’intrigue, une sublime poésie d’errance et de détresse.

 

En dilatant la narration au gré des instants, des déambulations d’Autumn et sa cousine dans l’immensité de la ville, on se passe même de dialogues : la fatigue, l’angoisse et la mélancolie de ces jeunes filles imprime la pellicule, incarnant avec gravité l’oppression de tout un système.

Car au-delà de la problématique brûlante de l’accès à l’avortement aux États-Unis, Never Rarely Sometimes Always a l’intelligence d’élargir ses thématiques à un état des lieux du patriarcat, devenant une grande œuvre féministe, ni théorique ni mélodramatique, mais qui rend compte de la réalité l’oppression, de la condition féminine, dans toute sa brutalité.

Sydney Flanigan se démarque en véritable pilier de ce drame : son interprétation toute en détails et subtilités vient pallier aux non-dits de l’intrigue quant à l’histoire du personnage. Son corps meurtri, son visage exténué, que la caméra scrute et ausculte, forment alors une figure universelle, témoignant de la sincérité pure de ce témoignage incandescent.

Note : 8/10.

Victor L.

Never Rarely Sometimes Always est en salles depuis le 19 août 2020. Durée : 1h42.

 

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