Lukas Dhont est un jeune réalisateur belge. Son premier long-métrage, Girl (2018), encensé par la critique, a remporté la Caméra d’Or et la Queer Palm du festival de Cannes. Il a été néanmoins critiqué pour son approche de la représentation transgenre à l’écran. L’avant-première de son deuxième film Close à Rennes, le 18 octobre 2022, a été l’occasion pour Vitav d’échanger avec le cinéaste lors d’une conférence de presse.
« Par ce travail collaboratif, j’ai pu recevoir différents regards, différentes perspectives »
Pour concevoir Close, vous avez travaillé avec le Groupe Ouest dont l’équipe est ici présente. Comment avez-vous été amené à travailler avec eux, et quel a été le processus de création ?
Après avoir écrit Girl et voyagé avec le film, de retour à la page blanche, j’avais besoin de vivre la période d’écriture plus collective. Un ami m’a recommandé le Groupe Ouest, ce qui était une belle opportunité car j’avais envie que mon film soit bilingue, en français et en flamand. Je suis arrivé avec le synopsis du projet, mes intentions, et une vidéo où je racontais le film, qui permettait déjà de ressentir les forces et les faiblesses de mon discours. Puis, par ce travail collaboratif, j’ai pu recevoir différents regards, différentes perspectives, comme si j’avais déjà des spectateurs avant de faire le film. L’écriture est souvent vue comme quelque chose de solitaire : pour moi, ça marche mieux quand ça devient un dialogue.
« Cette connexion avec la danse, la chorégraphie et la physicalité est restée un désir primaire »
Puisque nous parlons de dialogue, on remarque que les non-dits ont une grande place dans votre écriture, et qu’ils passent souvent par le corps. Cette corporéité est-elle volontaire ?
Initialement, je voulais être danseur, pas réalisateur. Mais la prise de conscience du regard des autres m’a fait arrêter. Cette connexion avec la danse, la chorégraphie et la physicalité est restée un désir primaire. Quand je développe des thèmes, je cherche à les traiter en mettant le corps au centre des thématiques. Dans Close, cela traduit d’une part le sentiment de responsabilité – quand on comprend, à un jeune âge, que nos actions peuvent blesser – qui est pour moi très physique, comme un poids qu’on garde dans notre corps. D’autre part, il y a l’amitié entre les deux personnages principaux, qui est elle aussi physique, intime, et encore peu abordée: nous avons plus de représentations masculines de violence que de tendresse, et je souhaitais changer cette vision.
« A13 ans, la pression de la masculinité était pour moi très forte »
Vous avez dit à Cannes que vous faisiez des films pour l’enfant que vous étiez. S’il pouvait voir Close, comment réagirait-il ?
Je ne sais pas ce que le Lukas de 13 ans dirait en voyant ce film, car j’ignore si j’aurais pu être réceptif. La pression de la masculinité était pour moi très forte, et peut-être que voir à l’écran un personnage qui vit aussi ce sentiment aurait déclenché quelque chose. J’espère que ce film permettra de transmettre aux jeunes d’aujourd’hui ce que je ne pouvais pas partager au même âge.
Propos recueillis par Lilou RICHARD.
Close, sortie nationale le 1er novembre 2022. Durée : 1h45.