Une belle œuvre cinématographique doit laisser place au temps et non l’oublier. Lorsqu’on dit « c’est un bon film, je n’ai même pas vu le temps passer », ou au contraire, « le film n’était pas si bien car il y avait des longueurs », cela signifie qu’à ce moment là, ce qu’on attendait du film, c’était un divertissement. Mais est-ce vraiment l’unique objectif du 7e Art ?
L’exemple d’Il était une fois dans l’Ouest
Dans les westerns de Sergio Leone (années 60-70), le temps est un véritable outil utilisé par le réalisateur pour donner du sens au film. Dans Il était une fois dans l’Ouest (1968), deux personnages se battent en duel et ils sont face-à-face. Dans un film de divertissement, on retrouve un gentil et un méchant, un qui tire et l’autre qui meurt et c’est ce qui nous intéresse. Dans une œuvre de Sergio Leone, le temps semble suspendu, avec un gros plan sur le premier cowboy, puis sur sa botte et seulement sur sa botte, et ensuite, sur ses yeux. Le plan se déplie, c’est lent, voire long. Le spectateur a l’impression que la séquence est interminable, alors que dans un blockbuster, l’image dure à peine une fraction de seconde.

Ne pas perdre de vue que le cinéma est un art
Pour autant, un bon film ne doit pas donner l’impression que le temps passe vite, mais plutôt, faire vivre une expérience esthétique qui s’inscrit dans le temps. Il ne s’agit de condamner les studios Marvel, mais d’établir une distinction entre une œuvre divertissante et une œuvre artistique. Le cinéma est un art qui, comme la littérature, nécessite de déployer le temps pour se réaliser.
Est-ce encore possible de prendre son temps dans la narration ?
Il semble évident que notre attention soit bien plus stimulée aujourd’hui qu’à l’époque de Sergio Leone. Nous pouvons prendre en exemple le livre La civilisation du poisson rouge, dans lequel Bruno Patino, patron de la chaîne Arte, souligne une perte de concentration générale au sein de nos sociétés. Dans ce contexte, comment transformer le cinéma en un art qui dépasse le simple divertissement et fait de la temporalité un outil esthétique ?
Camille RAMBAULT.
Photo de couverture : extrait du film Il était une fois dans l’Ouest.
Explication du livre La civilisation du poisson rouge : petit traité sur le marché de l’attention par son auteur, Bruno Patino.