Johann Chapoutot retrace le parcours intellectuel de la théorie du nazisme, et permet ainsi de comprendre comment l’Histoire a pu aboutir à une telle monstruosité. Cette horreur exerce en nous une certaine fascination : celle-ci n’est pas morbide, elle est une nécessaire stupéfaction.
Le nazisme est avant tout une affaire d’intellectuels qui voient dans la civilisation occidentale judéo-chrétienne une décadence de 2000 ans de la race germanique.
En d’autres mots, le nazisme oppose le « judéo-christiano-bolchevisme », sa pensée abstraite et sa vie matérielle, à la « race germanique » et à son esprit concret et sa puissance de vie transcendante.
Cette fameuse race germanique va devenir la source et la justification de la pensée, de l’éthique et du droit. Autrement dit, on se débarrasse de l’humanisme ; il n’y a plus de genre humain, plus d’universel, tout est justifié tant qu’il est dans l’intérêt du peuple germanique… y compris les exactions les plus atroces commises à l’égard de tout ce qui menace la pureté du sang et qu’il faut donc éliminer.
Ainsi les Juifs, mais aussi les handicapés sont-ils conçus non plus comme des êtres humains mais comme des rats et des parasites mis en scène de cette manière par la propagande.
Sur le plan philosophique, les nazis reviennent à Platon, qu’ils radicalisent, mais aussi à Kant qu’ils renversent complètement de manière à faire passer l’impératif catégorique moral universel pour un impératif de primauté racial.
En bref, l’horreur des camps n’est que le fruit d’une terrifiante réalité : la rupture totale sur le plan des idées comme de l’affect de la notion d’humanité. L’humanité a reçu une définition lors de la Renaissance, mais elle était déjà là, instinctive, depuis l’Antiquité. Ce qui fait l’effroyable singularité du nazisme, c’est cet exceptionnel avènement d’une civilisation qui a choisi d’y renoncer.
Texte et illustration : Charlie PLÈS.