Si Emile Zola est retenu comme l’un des plus grands écrivains français, c’est principalement pour sa fresque romanesque les Rougon-Macquart, saga de vingt volumes retraçant l’histoire d’une famille sous le second empire, où se mêlent enquêtes journalistiques et sociales, destins tragiques, lyrisme et même fantastique. Un chef d’œuvre d’une richesse inépuisable.
Découvrez chacun des tomes de ce grand-œuvre à travers cette série de chroniques.
Publié en 1890, La Bête humaine fait partie des romans les plus noirs des Rougon-Macquart et même du roman dixneuvièmiste en général ; Zola a subi des critiques pour cet aspect outrancier de l’œuvre, où se succèdent les horreurs… Plus que jamais, l’humanité zolienne fait face à ses démons dans ce qui peut clairement être qualifié de thriller.
C’est aussi le Rougon-Macquart où le fantastique se fait le plus vif. D’abord, fait curieux, le personnage principal, Jacques Lantier, est présenté comme l’un des fils de Gervaise, né entre Claude et Etienne. Or, il n’est fait aucune mention de Jacques dans L’Assommoir. Ce qui donne déjà un goût irréel au personnage…
Digne héritier des tares de la famille Macquart, Jacques est habité par une pulsion meurtrière, sorte de démon qui le pousse au meurtre. Cette soif de sang est étrangement liée à ses pulsions sexuelles ; on sent que la psychanalyse n’est pas loin, et que les découvertes de Freud se sont déjà faites sentir dans la littérature fantastique du XIXème siècle.
Un duo sombre et ambivalent
Mais Jacques n’est pas le seul protagoniste du roman ; sa maîtresse Séverine, entre muse maléfique et victime, achève de donner à ce duo toute l’ambivalence de la pénombre. Pénombre qui se retrouve dans l’environnement de ce roman, les chemins de fer où brillent comme des feux follets les phares de ces monstres de fer que sont les locomotives à vapeur, et que Zola traite en véritables créatures. La Lison, la locomotive de Jacques, exerce sur son propriétaire la même fascination que Claude pour son tableau à jamais inachevé.
Toujours chez Zola, le fantastique est double : il est l’intériorité monstrueux d’un individu, mais aussi, les monstres que projettent hors d’elle toute une société entrée dans l’ère industrielle. Fumée, charbon, métal… et il n’y a plus d’humain que la cruauté.
Texte et illustration : Charlie PLES.