« Le Parfum » de Süskind : la haine a une odeur

Dans Le Parfum, de Patrick Süskind (1985), un homme doté d’un odorat surnaturel déploie des trésors d’ingéniosité et de cruauté pour satisfaire ses désirs malades. Un conte sur la haine qui engendre la haine.

            Jean-Baptiste Grenouille (c’est bien son nom !) est sans aucun doute né sous la mauvaise étoile : éjecté presque par inadvertance du ventre de sa mère, il atterrit aussitôt dans la mort, abandonné dans des cadavres de poissons. Mais un cri le sauve de sa fin en alertant les passants de sa présence. Non pas un cri de détresse comme on le comprendra plus tard, mais bien un cri haineux, un cri vengeur : en effet, ce cri condamne sa mère à mort.

            D’une immense laideur qui l’exclut systématiquement des autres, Jean-Baptiste devient très vite un solitaire reclus, accusé d’être un rejeton du diable. Peut-être n’est-ce pas totalement faux. Se complaisant dans sa solitude, il passe son temps à exercer son don prodigieux, un odorat supérieur à celui des plus grands parfumeurs.

            Il parcourt ainsi les rues nauséabondes de la France du XVIIIème siècle, endurant les souffrances et les injures toujours à dessein, ne se faisant qu’une ombre qu’on oublie et qui laisse derrière lui un sillage de mort. Accidents mystérieux, jeunes filles assassinées et scalpées…

            Parfait exemple de l’antihéros, au nom ridicule mais à la nature puissamment maléfique, Süskind dépeint le monstre le plus terrible que puisse produire le diable par l’intermédiaire de l’humanité : un enfant de la haine. Haine qui nourrit l’existence de ce personnage, le conduit à réduire l’amour à une recette dont il se sert pour asservir ces autres qu’il ne considère que comme les occasions d’accomplir sa volonté démente. Rien d’autre n’anime cet être abominable sinon la peur d’une odeur qu’il n’a connu qu’en rêve : la sienne.

Texte et illustration : Charlie Plès.

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