Un insecte négligeable, la fourmi ? Pas si sûr. Bernard Weber nous dévoile dans Les Fourmis (1991), son roman qu’on pourrait qualifier tant de policier que de philosophique, que cette créature mérite notre intérêt et peut-être notre compassion.
L’homme a beaucoup à apprendre des sociétés animales
Werber aime mêler l’intrigue fictionnel au questionnement philosophique, et c’est exactement ce qu’il fait dans Les Fourmis, où le lecteur suit deux intrigues qui semblent d’abord parallèles avant de fusionner pour produire une étonnante rencontre entre deux civilisations terriennes très organisées et (sur de nombreux points), très similaires : les hommes et les fourmis.
En effet, le but de ce roman, au-delà de faire frissonner par ses disparitions inquiétantes, de faire réfléchir quant aux énigmes posées ou d’informer grâce aux articles de son encyclopédie fictive, est de faire comprendre que l’homme a beaucoup à apprendre des sociétés animales qui, notamment dans le cas des fourmis, pourraient presque être qualifiées de civilisationnelles. Les fourmilières ressemblent parfois à la Cité idéale que Platon définit dans sa République (et qui, a contrario avec Huxley, est bien présentée ici comme le meilleur des mondes) : chacun a son rôle et s’en occupe exclusivement afin de préserver le bien du corps commun. Car c’est bien ainsi que fonctionnent ces insectes : ils se désindividualisent pour n’être plus qu’une cellule de l’entité commune qu’est la fourmilière : chacun souffre et jouit des souffrances et des jouissances de tous les autres. Le bien commun est l’affaire de tous, car tous, c’est chacun.
Par son communautarisme porté jusqu’à la solidarité naturelle, la société fourmi pourrait donc servir d’exemple afin d’apporter quelques améliorations, d’abord à notre civilisation qui, par son ère de l’individualisation, se voit réduite à un simple agglomérat d’intérêts particuliers et conflictuels, mais aussi, plus profondément, dans nos manières de penser la vie, l’autre et soi.
Texte et illustration : Charlie PLÈS.