Erasme : la question de la retenue intellectuelle

Stefan Zweig a consacré une importante partie de son œuvre aux biographies de personnages importants de l’histoire, dont Erasme, l’incarnation de la pensée libre à l’occidentale. Encore aujourd’hui, la liberté et l’esprit critique d’Erasme se trouvent aux fondations de nos démocraties, de nouveau ébranlées par le fanatisme.

On connaît surtout d’Erasme son Éloge de la folie, mais ce n’est là qu’un exemple de ses prises de parole qui ont révolutionné la pensée de la Renaissance et initié la Réforme, menée par Luther, son alter ego auquel il s’opposait, pas tant dans le fond de sa pensée que dans sa mise en œuvre.

Là où Luther prônait les armes et l’intolérance, Erasme a toute sa vie œuvré pour l’entente, la concorde, le bien de l’humanité.

Un souci du calme qui l’aura conduit parfois à fuir et à sombrer dans le scepticisme là où il fallait prendre clairement position. Dans un monde de violences, Erasme, quoique respecté de tous comme le sage de son époque, s’est vu dépassé par la force de la politique, plus mobilisatrice que la réserve de la philosophie.

Humanité contre État, doute contre fanatisme, ce sont deux mondes qui s’affrontent à travers Erasme et Luther, et dans le miroir desquels on voit se profiler les démocraties face au totalitarisme, à l’heure où Zweig publie son livre, quand l’Allemagne bascule dans le nazisme.

On sort de cette lecture avec cette question troublante : jusqu’à quel point la réserve intellectuelle peut-elle abstenir son jugement sans devenir de la lâcheté ?

Texte : Charlie PLÈS.

Erasme : Grandeur et décadence d’une idée, Stefan Zweig, 1933. 185 p.

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