Dans son Opéra Panique (2001), Alejandro Jodorowsky joue avec le langage et l’absurde dans une série de scénettes toutes plus fantasques les unes que les autres. A lire avec précaution, au risque de trébucher…
L’Opéra Panique, sous-titré Cabaret tragique, se compose d’une vingtaine de scénettes présentant des personnages tout à fait caricaturaux et déjantés qui ne portent jamais comme nom qu’une lettre de l’alphabet ; en tant que dramaturge avant-gardiste, Jodorowsky ne met en avant ni personnalité ni psychologie de ses personnages qui ne sont que des idées, ou plutôt des folies particulières.
La pièce s’ouvre sur un avion en proie à de terribles turbulences, ce qui annonce efficacement la suite : malgré une tendance générale à l’absurde, les scènes de l’Opéra Panique dévoilent un florilège de registres, suscitant tantôt le rire (Les Nageurs …), tantôt les larmes (L’Instable…) et, toujours, la réflexion (Amour intellectuel…). Car derrière le masque du délire, on devine une terrible réalité ; ces personnages, sont-ils le fruit de nos propres fantasmes, de nos peurs et de nos rêves les plus incongrus ?
Après tout, la folie est ce qui agit en nous, insidieusement, et qui nous empêche de sombrer face à un monde que nous ne comprenons pas et dans lequel nos actes et nos pensées nous paraissent dénués de sens : ce qui se traduit, chez Jodorowsky, par la permanence de l’absurde des situations qu’il présente tant dans les faits que dans les mots. Le langage est retourné contre lui-même, confronté à ses propres paradoxes.
Il ne reste finalement qu’à imiter la mort, ce que font les personnages déshumanisés de la dernière scène, pris au piège dans ce monde qui n’est qu’une piscine de larmes dans laquelle ils flottent en toute ignorance. Rire, c’est tenter de se cacher du pire.
Texte et dessin : Charlie PLÈS.