L’écrivaine française Mye a plutôt consacré son talent au théâtre et à la poésie. Mais il y a quelques années, elle ressent l’envie d’écrire des histoires plus longue, et paraît en 2024 son premier roman, Belette, publié aux éditions Le Tripode.
Belette a pour titre le nom de son personnage principal : une jeune fille de 13 ans délaissée par sa mère, battue par son père, et accompagnée de sa bicyclette Babine. Privée du baiser de son amoureux, Pierre, Belette, qui a passé son enfance à dévaler les rues à bicyclette, décide de fuguer de chez son père et de se retrancher dans un bunker abandonné sur la plage pour y faire son deuil.

Un deuil de résistance et de résilience
Belette se sauve : comme lorsqu’elle enfourche sa bicyclette, elle s’affranchit enfin de la violence que lui inflige le monde. La plage et la mer, où se réfugie la jeune fille, se composent en paysage de solitude apaisante qui s’oppose au chaos douloureux du monde urbain. Dans cette paix retrouvée, la guérison cependant est longue et difficile, car lorsque les vagues purificatrices se retirent, les souvenirs et les cicatrices demeurent : « ça disparaît, mais ça s’oublie pas » (Belette, p. 89).
Une prose poétique et frappante

Le rythme et la force du texte, rendant les voix des personnages audibles au lecteur, trahissent le goût de l’auteure pour le théâtre. Le style d’écriture, qui mêle argot et poésie, n’est pas sans rappeler le roman Zazie dans le métro, de Raymond Queneau.
Le langage est par ailleurs un enjeu pour Belette, qui s’insurge contre « la langue des autres, le courant, des trucs qui camouflent pour que ça contente tout le monde » (Belette, p. 58). Elle s’efforce, au contraire, de développer des formes d’expression originales et personnelles, où vibrent des images étonnantes issues des perceptions d’une enfant qui refuse de laisser le monde des adultes la dénaturer.
La transfiguration des êtres
Sous le regard de Belette, l’inanimé s’anime et l’animal s’anthropomorphise : sa fidèle bicyclette Babine, mais aussi son sac, la boulangerie, ou encore la mouette Miss Glue. Quant à Belette, son nom renvoie à un petit animal qui se glisse dans les coins pour s’y cacher. À travers les relations qui se tissent entre Belette et ses créatures, un monde enfantin et poétique se constitue, où humains, animaux et choses dialoguent.
Texte et photos : Alex ALIX
Mye, Belette, Le Tripode, 2024, 188 pages.