L’Art et l’histoire de la caricature, de Laurent Baridon et Martial Guédron (2006, réédité en 2021), est le guide parfait pour celui qui s’intéresse à la caricature de presse. À travers le dessin, la peinture et la sculpture, du Moyen-âge jusqu’à nos jours, les auteurs nous présentent les classiques de la caricature, ses grands dessinateurs, ses talents oubliés, mais aussi, les enjeux, les combats et les transformations de cet art de la liberté.
La caricature n’a pas attendu la presse pour exister, elle est une pratique exercée depuis toujours par les artistes. Mais justement, ce qui n’était d’abord considéré que comme un exercice de style amusant, une blague qui restait cachée entre les murs des ateliers, a peu à peu investi les publications.
Durant la Renaissance, les monarques ont compris la puissance du dessin et ont tenté de l’investir à leur profit
D’abord innocents, les « portraits charges » qui devaient en premier lieu produire le rire, l’amusement, le divertissement, a basculé dès la Renaissance vers la satire politique, quand les monarques ont compris la puissance du dessin et ont tenté de l’investir à leur profit.
La caricature, un contre-pouvoir
Mais la caricature est devenue bien vite un contre-pouvoir. Autre transition : de la satire individuelle à la satire sociétale. On ne se moque plus d’une personne en particulier mais d’une caste ou d’une nation. Les déformations physiques laissent place à la mise en situation, à la métaphore et finalement, plus la caricature s’éloigne du badin vers la satire politique, plus elle devient, du même coup, poétique.
Encore une chose : la caricature combat et est combattue. Le massacre à Charlie Hebdo n’est finalement qu’une forme plus directe de la violence exercée de tout temps par la censure. Du Moyen-Âge où elles restaient planquées, jusqu’à aujourd’hui où elles sont la preuve d’un crime contre Dieu ou l’autorité, passibles de mort, la caricature rit, outrage, et s’attire les pierres.
Un moyen d’expression très occidental
Selon Baridon et Guédron, c’est aussi un moyen d’expression très occidental, qui n’existe sous aucune forme dans d’autres modèles sociétaux et culturels. La caricature trouverait alors sa violence dans sa radicale étrangeté : sa liberté de pensée. N’oublions pas que dans certaines parties du monde, la liberté est pointue. Elle transperce. Elle menace.
Texte et illustration : Charlie PLÈS.