Récit d’initiation, conte philosophique, essai esthétique et moral, L’œuvre au noir de Marguerite Yourcenar est un ouvrage hybride qui affirme sans cesse la nécessité vitale de refuser toute certitude, et d’accueillir toujours la nouveauté et le mystère.
L’Oeuvre au noir en alchimie est la première étape pour la transformation du plomb en or, et la plus difficile. Par dérivé, la formule est devenue une expression pour indiquer l’ouverture de l’esprit par la remise en question de tout ce qui est pris pour acquis. C’est donc l’autre nom de l’entreprise cartésienne. Dans cet ouvrage, on suit Zénon, un philosophe, médecin et alchimiste, figure de l’humaniste tel que l’incarne Erasme, qui va entreprendre un voyage initiatique aussi bien spirituel qu’intellectuel.
Le lecteur traverse cette période ambigüe et violente qu’est le XVIème siècle, où la Renaissance s’élève des cendres encore brûlantes du Moyen-Âge, entre obscurantisme et développement de la science, violence des querelles religieuses (en pleine Réforme qui va diviser la France entre deux dogmes religieux) et gestation de la notion d' »Humanité ».
Zénon, le sage, le savant, celui qui doute, celui qui ne se veut l’ennemi de personne, deviendra ainsi l’ennemi politique désigné de tous ceux qui font système, ceux dont la pensée n’est pas nourrie par la curiosité, l’inconnu et l’interrogation, mais régie par des valeurs (qu’elles soient religieuses ou morales) ou des intérêts (politiques ou financiers).
En somme, L’Oeuvre au noir, c’est la réalisation continuelle, épuisante et peut-être vouée à l’échec de tous ceux qui continueront de croire que l’humain mérite ce que la nature lui a donné.
Texte et illustration : Charlie PLÈS.
L’œuvre au noir, Marguerite Yourcenar, 1968, 384 pages.