« Le ventre de la jungle » : un conte glaçant

En 2023 paraissait El cielo de la selva de l’écrivaine cubaine Elaine Vilar Madruga. Après le grand succès que ce roman a connu en Amérique latine, les lecteurs francophones peuvent enfin découvrir cette auteure et cette œuvre grâce à la publication d’une traduction de Margot Nguyen Béraud, en 2025 : Le ventre de la jungle.

Le ventre de la Jungle prend les allures d’un conte : ni date ni lieu, de sorte que chaque élément du récit, lieu et personnage, devient un symbole, une métaphore, une allégorie qui prend sens au sein du système élaboré par l’œuvre. C’est assurément un conte d’horreur : dans une hacienda isolée au milieu d’un jungle dangereuse vit une famille. Cette existence n’est pas paisible, car la jungle qui leur fournit la nourriture et la protection dont ils ont besoin pour vivre ne donne pas sans contrepartie. Et c’est un très lourd tribut qu’elle exige.

Toute la vie de cette famille est organisée autour de cette terreur que fait régner la jungle. On comprend bien vite que ce que l’écrivaine explore à travers cette terrible fable, ce sont les violences que les êtres humains s’infligent lorsqu’un pouvoir oppressant les domine. La famille dépeinte par Elaine Vilar Madruga n’est pas solidaire et réconfortante : elle est le lieu d’horreurs qui feront frémir le lecteur au fur et à mesure qu’il les découvrira. Ce sont surtout les femmes qui font l’objet de cette terrible violence, mais le lecteur découvre que ces personnages féminins, à la fois victimes et coupables, sont loin d’être innocents.

Les premiers chapitres tiennent lieu d’exposition, mettant progressivement en place les ressorts principaux de l’intrigue, avec un sens du suspense maîtrisé. Celle-ci décolle véritablement lors de l’introduction d’un nouveau personnage, à environ un tiers du roman. L’auteure sait tenir son lecteur en haleine tout au long de son œuvre grâce à ce mystère qui plane autour de la jungle. Mais on comprend que cette jungle est en vérité une allégorie. Personnage à part entière, omniprésent et central, obscurément menaçant du début à la fin, elle représente un système régnant par la terreur et exploitant les plus faibles. Une secte, une dictature, une guerre ; à chacun d’y voir ce qu’il souhaite.

Texte et illustration : Alex ALIX

Elaine Vilar Madruga, Le ventre de la jungle, traduit de l’espagnol par Margot Nguyen Béraud, éditions Les Léonides, 2025, 364 pages.

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