En mêlant chronique familiale et reconstitution historique, La Cache, réalisé par Lionel Baier, propose une immersion sensible dans les événements de Mai 68 à travers les yeux d’un enfant.
Adapté du roman de Christophe Boltanski, le film retrace l’histoire de Christophe, âgé de 6 ans, qui vit chez ses grands-parents à Paris en pleine effervescence révolutionnaire.
Au fil des jours, alors que les barricades s’élèvent dans la capitale et que le pays vacille, l’enfant observe les adultes de son entourage avec une curiosité teintée d’innocence. Son oncle, propriétaire d’une galerie d’art, défend une vision esthétique du monde en pleine mutation, tandis qu’un autre membre de la famille se passionne pour les mots et leur pouvoir. L’arrière-grand-mère, immigrée d’Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale, porte en elle une mémoire différente des bouleversements du siècle. À travers le regard de Christophe, le spectateur découvre cette famille atypique, où les parcours singuliers s’entrechoquent avec l’histoire en marche.
Michel Blanc incarne le grand-père de Christophe, un personnage à la fois discret et marqué par son époque. Sans être autoritaire, il représente une figure rassurante, parfois dépassée par les événements. Autour de lui, la famille se divise entre engagement politique et préoccupations quotidiennes, offrant une vision nuancée des bouleversements de Mai 68.
L’une des grandes forces du film réside dans sa mise en scène soignée, qui capte avec authenticité l’atmosphère de cette période charnière de l’histoire française
Lionel Baier joue sur des techniques cinématographiques propres à l’époque, comme les coupures visibles dans le décor lors des scènes de dialogue en voiture, renforçant ainsi l’impression d’un film ancré dans les années 60. La bande-son, mêlant musiques d’époque et compositions originales, vient parfaire cette immersion.
Au-delà du contexte historique, La Cache se distingue par sa capacité à explorer les dynamiques familiales sous un prisme à la fois tendre et lucide
Le film interroge la mémoire collective à travers de multiples références : les voisins accusés de collaboration, les CRS à qui un lapsus échappe, les gardes du corps de De Gaulle comparés à la Gestapo. De plus, la judéité du personnage incarné par Michel Blanc et de l’arrière-grand-mère renforce cette réflexion sur l’héritage et la transmission des traumatismes. L’ensemble est porté par des acteurs remarquables, dont l’alchimie renforce l’immersion. Leur jeu, allié à la mise en scène et aux choix narratifs, permet au spectateur de ne pas simplement observer une famille dans Mai 68, mais de vivre ces événements aux côtés des personnages, dans l’instant.
En conjuguant drame familial et fresque historique, La Cache s’impose comme une œuvre touchante et immersive, où les souvenirs d’enfance et les remous de Mai 68 se rejoignent dans un récit aussi singulier qu’émouvant. Ce film prouve une fois de plus que, même post mortem, Michel Blanc demeure une figure majeure du cinéma français.
Robin BATARD
« La Cache » de Lionel Baier, en salle depuis le 19 mars 2025. Durée : 1H30.