La vie sans principe (1863) et La Désobéissance civile (1849) de Henry David Thoreau, et De la servitude volontaire (1576) d’Etienne de la Boétie : dans le contexte politique que connaît aujourd’hui la société française, il est profitable de lire ces trois courts textes ; deux auteurs, deux visions critiques du pouvoir, contre la royauté chez De la Boétie, contre la démocratie des puissants dans l’Amérique pré-industrielle chez Thoreau.
De la Boétie critique la royauté française, mais par le biais d’une critique généralisée à tous les pouvoirs tyranniques, qu’ils s’incarnent dans un individu ou un petit groupe. Ce qui lui permet de ne cibler personne, mais finalement de fournir des arguments révolutionnaires à tous les peuples opprimés.
Est-ce pour autant un appel à la Révolution ? Plutôt le constat cynique que les tyrans sont bien lâches, et le peuple bien sot, un regard désabusé sur l’humanité vouée à l’humiliation. À moins que la méthode de la Boétie ne soit celle de la provocation, sans doute peu efficace à une époque où le peuple ne lit pas.
Mais aujourd’hui, De la servitude volontaire est sans doute plus efficace que la philosophie de Thoreau. Ce dernier n’est pas un révolutionnaire, ou alors la révolution doit être individuelle. La pensée de Thoreau est insaisissable, entre un individualisme libertaire et un épicurisme transcendental. Sans renier la propriété, Thoreau appelle à un mode de vie quasi autarcique, un recentrement sur l’essentiel, la nature, la satisfaction des désirs simples, et l’empathie.
En cela il n’est pas un Diogène moderne, plutôt un épicurien. Il ne refuse pas la société, mais refuse le système, encourage le vivre ensemble sans la communauté, mais surtout sans l’impôt, sans l’Etat.
Un mode de vie simple, « sans principes » qui peut faire rêver, mais qui reste très inactuel. Sa désobéissance civile, plutôt du côté de l’indifférence que du « Non ! », n’en finirait pas avec l’exploitation du puissant sur le peuple. À moins de se radicaliser en un véritable refus : celui d’être un consommateur. Une question qui ne se posait pas encore tant à l’époque de Thoreau.
Texte et illustration : Charlie PLÈS.
