Les textes oniriques et absurdes de « La nuit remue »

Esprit torturé en quête de soi, Henri Michaux a produit une œuvre considérable de poèmes et de dessins dont le recueil La Nuit remue (1935) constitue un des trésors, entre écriture expérimentale et expression en profondeur du poète.

Henri Michaux n’est pas un auteur à lire dans l’intention de le comprendre, encore moins de l’expliquer. Ses poèmes sont les manifestations de délires, de fantasmes, de rêves, écrits, pour reprendre les termes que Michaux utilise dans sa postface, « paresseusement », « suivant mes besoins », « la vague ». L’écriture est pour lui une sorte de remède à son inconformité maladive qui le pousse à s’abstraire du réel, à lui être étranger ; paradoxalement, c’est ce remède qui accentue sa maladie, par un repli toujours plus profond sur soi.

Michaux s’égare, erre comme un somnambule dans cette obscurité mouvante, sa nuit dont il décrit les aspects à la fois sectionnés et indiscernables. On trouve dans cette sorte de journal intime des textes absurdes, oniriques, mélancoliques, d’un comique cynique, des imitations d’articles scientifiques ou encore des expériences linguistiques, sans oublier les poèmes crachés sous l’influence de drogues diverses.

Aux prises de son mouvement intérieur qui le rend inerte au réel, Michaux adopte toujours le ton du désespoir qui se travestit pourtant dans l’incommensurable joie de se découvrir en abandonnant derrière lui tout ce qui le rattache à autrui et au monde.

Michaux est donc un explorateur du langage qui se fait miroir de soi, un soi qui devient autre et qu’on ne reconnait pas. La conscience de Michaux se réduit jusqu’à une forme de vie « punctiforme » qui laisse place à l’immensité expansive de l’incompréhensible : « Quand vous me verrez, / Allez, / Ce n’est pas moi. » (« Petit », La Nuit remue, section « Mes Propriétés »).

Charlie PLÈS.
Illustration : Charlie Plès.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *